Low-Tech en cosmétique

Contexte

Dans cet article nous allons vous raconter comment nous avons mis au point un outil de fabrication low-tech pour la cosmétique et plus particulièrement pour nos savons et shampoings liquides.

Ces dernières années de “crise sanitaire” ont bien modifiées nos habitudes hygiéniques et notamment celles du lavage des mains. En effet, après les premiers confinement liés au covid un protocole bien spéciale a été mis en place dans les écoles pour le lavage des mains : l’idée était de laver les mains de nos enfants plus de 20 fois par jour avec un savon aux propriétés “désinfectantes”. Résultat: après seulement deux ou trois jours d’école notre fille (alors en maternelle) revenait à la maison avec les mains rouges, décapées par le savon utilisé.

Notre réflexe en tant que parents, et fabricants de savon, a alors été de proposer à l’école d’utiliser notre Savon Soin Bébé en format solide sans savoir alors que le format solide pour les savons n’est plus réglementaire dans les collectivités telles que les écoles car désormais jugés “non-hygiéniques”. Notre but n’a alors pas été d’essayer de débattre sur le bien-fondé de cette réglementation. Nous nous sommes formés à la production de savon liquide saponifié à froid, nous avons fait des tests et après un peu moins d’un an nous avons trouvé la recette pour notre savon liquide pour les écoles.

Mains d’enfants

Fabrication du Savon Liquide

Pâte de savon avant dilution

Pour fabriquer du savon liquide saponifié à froid, il y a plusieurs étapes:

  • 1ère étape : on mélange les huiles végétales que l’on souhaite utiliser et on les fait chauffer à 50°C. Dans le même temps, on mélange les bonnes quantités de potasse caustique et d’eau. Puis on le laisse refroidir à 50°C.
  • 2e étape : on mélange les huiles végétales et le mélange eau/potasse. On remue pour bien homogénéiser l’ensemble. Enfin, on laisse la réaction de saponification commencer pendant 12h à froid sans chauffage externe.
  • 3e étape: après ces 12h, on réchauffe le mélange huiles-potasse-eau à 50°C. On le verse dans une mijoteuse qui garde ce mélange à température pendant qu’on le mixe pour obtenir une pâte de savon.
  • 4e étape : la pâte de savon doit “cuire” pendant 8h à 50°C de façon bien homogène.
  • 5e étape : lorsque la pâte de savon est prête on la dilue avec de l’eau déminéralisée ou des hydrolats de plantes.

Piste d’améliorations low-tech

Le problème de ce savon était pour nous son coût de fabrication et notamment son coût environnemental. La cuisson lente (pendant 8h) de la pâte de savon à la mijoteuse représentait une énergie consommée de 1200Wh. Énergie consommée pour la fabrication de seulement 8L de savon liquide au final, soit 150 Wh/L. 

C’est pourquoi, nous avons réfléchi à la manière de diminuer ce coût tout en augmentant la quantité de production.
La solution est venue des écoles d’ingénieur de Grenoble qui nous ont intégré aux projets PISTE (Pour une Ingénierie Sobre Techno et Eco-responsable). Un projet sur un semestre avec un groupe d’étudiants de diverses écoles qui ont choisi de travailler avec nous. Colin, Leïla, Mathilde, Nathan et Yann, nos étudiants, nous ont proposé, pour résoudre notre problème, de s’inspirer des marmites norvégiennes. Cet outil low-tech est plus généralement utilisées dans l’alimentaire pour la cuisson lente des aliments. La casserole préalablement chauffée est placée dans une enceinte isolée des échanges thermiques avec l’extérieur. Cela permet une cuisson lente et autonome des aliments sans apport d’énergie additionnel hormis le temps de préchauffe.

Solution: la low-tech pour la cosmétique

Nos étudiants ont commencé la conception de cette “boîte isolante”. C’est le nom utilisé pour différencier de la marmite norvégienne low-tech utilisée dans l’alimentaire et non en cosmétique. D’abord, ils ont établis un cahier des charges bien précis des spécifications attendues. Ils ont étudié les différentes sources de pertes thermiques, dimensionné la boite pour y faire rentrer une cuve de 50L. Enfin, ils ont fabriqué la boîte en récupérant des plaques de contreplaqué, le polystyrène qui sert d’isolant, les joints pour l’étanchéité, la couverture de survie pour limiter les échanges thermiques par rayonnement. 

La boîte isolante est tout de même complétée par une couverture chauffante qui entoure le bas de la cuve et qui maintient en température lorsque la boîte isolante est encore ouverte, donc seulement pendant le mixage et l’obtention de la pâte de savon (c’est-à-dire pendant 20 minutes).

Les étapes 1, 2, 3 et 5 de la fabrication de la pâte de savon restent les mêmes. L’étape 4 de “cuisson” de la pâte de savon se fait désormais avec la cuve de 50L dans la boîte isolante complètement fermée et dure préférentiellement 12h pour une cuisson lente mais complète. Ce dispositif permet de seulement consommer une énergie de 200Wh pour 40L de savon produit, soit 5 Wh/L :

30 fois moins d’énergie par litre pour la fabrication de notre savon liquide grâce notre boîte isolante: vive la low-tech en cosmétique!

Remerciements à Colin, Leïla, Mathilde, Nathan et Yann nos étudiants. Merci à Nicolas et Fanny à Phelma